Le résumé : Qu'elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l'Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu'il en reste aujourd'hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante –; puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant –; puisque l'époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d'horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s'est développé alors tant à l'égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Note : 💛🧡🤎💛 /5
Genre : Essai féministe
A lire si ... : Le féminisme vous intéresse et que vous avez envie de lever le voile sur de nombreux préjugés.
Ce que j'en ai pensé : Je lis très rarement des essais, mais le féminisme me passionne depuis quelques années déjà et il devenait urgent de découvrir le fameux livre de Mona Chollet !
Difficile de parler d'un essai en quelques lignes, tant celui-ci mérite un long débat et une réflexion collective. Avec pédagogie, humour, humilité et précision, la journaliste apporte une analyse complète de l'image de la femme dans notre société patriarcale. Sans donner de leçon, Mona Chollet nous ouvre les yeux sur les préjugés, les pressions subis par les femmes depuis plusieurs siècles (surtout depuis la Renaissance), et lève le voile sur tout un pan de l'histoire manipulé et réécrit par les hommes. Maternité, vieillesse, inégalités salariales, sociales, professionnelles, etc, tout est décortiqué à l'aide de nombreuses références historiques et philosophiques. Mais si, comme moi, vous gardez un mauvais souvenir de vos cours de philosophie, ennuyeux à mourir, rassurez-vous ! Cet essai est loin d'être un enchainement pompeux de citations lourdes et incompréhensibles, bien au contraire. La réflexion s'articule aussi bien autour de faits concrets que de délibérations philosophiques, sans oublier de nombreuses références à des livres ou des films connus.
L'autrice pousse le débat, cherche à nous interroger sur nos choix, à mettre des mots sur un sexisme réel qui a tendance à rester dans l'ombre sous couvert d'être "commun". Certain.e.s seront peut-être plus touché.e.s par tel ou tel passage, en fonction de son parcours, de son âge, de son style de vie, mais aucun.e ne pourra rester indifférent.e à ces injustices.
Il n'y a pas d'âge pour apprendre, et il n'y a pas d'âge pour se révolter. C'est pourquoi, je pense que cet essai devrait trôner sur toutes les bibliothèques, aussi bien celles des femmes que celles des hommes. Pour permettre aux premières d'être alertes face au monde patriarcal dans lequel nous évoluons, et aux seconds, pour leur faire prendre conscience que l'on peut toujours faire mieux, et que l'excuse "pas tous les hommes", n'est plus recevable. Chacun.e à notre niveau, nous pouvons faire avancer les choses, en refusant de céder aux injonctions, en se révoltant face à l'injustice, et en s'assumant pleinement pour ce que l'on est, et non tel que les autres aimeraient nous voir.
La citation : "Rien n’est plus mensonger que cette étiquette « pro-vie » dont s’affublent les militants anti-avortement : un grand nombre d’entre eux sont aussi favorables à la peine de mort ou, aux États-Unis, à la libre circulation des armes (plus de quinze mille morts en 2017), et on ne les voit pas militer avec autant d’ardeur contre les guerres, ni contre la pollution, dont on estime qu’elle a été responsable d’une mort sur six survenues dans le monde en 2015. La « vie » ne les passionne que lorsqu’il s’agit de pourrir celle des femmes. Le natalisme est affaire de pouvoir, et non d’amour de l’humanité.", Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes (Editions Zones, 240p., 18€)
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