Le résumé : Yorkshire, 1911. Ella se retrouve enfermée de force à l’asile de Sharston. Sans comprendre ce qui lui arrive, la jeune femme découvre un univers étrange, où les hommes et les femmes sont séparés, chacun assigné à des tâches quotidiennes qui permettent à l’asile de vivre en totale autarcie. Les femmes sont cloisonnées à l’intérieur, tandis que les hommes s’occupent des champs et du cimetière. Mais tous les vendredis soirs, les patients se retrouvent dans la salle de bal, sous l’œil attentif et observateur du docteur Fuller. Entre deux danses, Ella fait alors la connaissance de John, un irlandais mélancolique... Épris l’un de l’autre, les deux amants attendent chaque vendredi avec impatience. Mais ce sera sans compter sur les ambitions du docteur Fuller, adepte de l’eugénisme et admirateur des théories sur le contrôle des faibles d’esprit.
Ce que j'en ai pensé : Après Le Bal des Folles, j’avais hâte de découvrir ce roman si souvent comparé à celui de Victoria Mas ! Certes, les deux livres abordent des thèmes assez similaires, mais selon moi, ces romans sont très différents, voire complémentaires. La Salle de Bal est un roman beaucoup plus historique et politique, sur l’eugénisme, l’intolérance, et les projets de loi sur les faibles d’esprit dont Churchill était un fervent défenseur. Anna Hope lève le voile sur un pan de l’histoire britannique très méconnu, et elle s’est d’ailleurs inspirée de la vie de son arrière-arrière-grand-père, lui-même enfermé à l’asile de Menston.
A la veille de la Première Guerre mondiale, on sent déjà naître les prémices d’une idéologie nazie, d’une race supérieure qui verrait le jour grâce à l’élimination des esprits dits faibles. Anna Hope contextualise son récit en y ajoutant de nombreux éléments historiques, comme les grèves ouvrières qui ont frappé le pays à cette époque, (La Grande fièvre ouvrière) et scientifiques, avec des citations de textes issues de revues eugénistes, défendant la castration, ou la ségrégation des malades. Le roman est riche de détails, on comprend aisément le lien entre la situation économique du pays et la naissance de ces théories, selon lesquelles les classes pauvres étaient plus susceptibles d’engendrer des fous : à chaque crise, son bouc-émissaire. La Salle de Bal est un roman très poétique, la plume de l’autrice est toujours aussi fluide, captivante; néanmoins, j’ai mis un peu de temps à entrer réellement au cœur de l’histoire et à m’attacher aux personnages. C’est seulement à partir de la deuxième partie du roman que les pages se sont mises à défiler à une vitesse folle. Je salue particulièrement la fin, magistrale, incroyablement émouvante... Anna Hope ne pouvait pas nous offrir une plus belle conclusion. Il s’en est fallu de peu pour que ce roman se transforme en coup de cœur, je regrette juste les quelques lenteurs du début, mais je ne peux que vous encourager à découvrir La Salle de Bal.
La citation : "Mais à présent, assise là dans la salle commune, au fil des vendredis, à regarder les femmes se préparer, elle avait peur. La croyaient-ils toujours folle ? Qui connaîtrait les choses qu'Elle avait en elle si elle restait dans cet endroit. Elle n'avait personne pour prendre sa défense ici, nul être pour se faire son écho, rien pour expliquer qui elle était ou aurait pu être.", Anna Hope, La Salle de Bal (Editions Gallimard, 400p., 22€)
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